Le meuble tibétain entre tradition ethnique et influence chinoise

meuble tibétain

Le meuble tibétain séduit un nombre croissant d’acheteurs à la recherche d’une décoration ethnique singulière, il est aujourd’hui encore mal connu du grand public occidental qui a tendance à l’amalgamer avec le meuble chinois et à faire de celui-ci une simple variation régionale. Pourtant la facture du meuble tibétain est très différente de celle de son puissant et influent voisin : les bois utilisés, la conception et la décoration empruntent à des styles et des traditions différentes et contribuent à créer une identité ethnique particulière née, bien entendu, de la situation géographique, mais également de l’histoire et de la culture spirituelle et religieuse du Tibet.

Voici quelques clés pour mieux identifier, mieux reconnaître et mieux définir le meuble tibétain.

Le Tibet, une identité et un territoire à la croisée des influences

Le Tibet, appelé « Bod » (pays des pères) par les tibétains se situe au cœur de l’Asie, au nord de l’Himalaya et il est, de par sa situation stratégique particulière (entre l’Inde, le Népal, la Birmanie et la Chine), à la croisée d’influences et de tendances très différentes qui ont cependant largement contribué à la spécificité de ses traditions, qui l’ont constitué en tant qu’identité ethnique.

Situé sur le toit du monde, à une altitude moyenne de 4900 mètres, hauteur très propice à la méditation et à la quête spirituelle, le Tibet a su cependant s’affranchir des influences environnantes pour créer une tradition de fabrication et de décoration originale fondée sur une dualité originelle et historique oscillant entre l’artisanat traditionnel des populations nomades vivant sur les hauts plateaux et celles plus artistiques et sédentaires des habitants des vallées et des monastères. La vie nomade a en effet pendant longtemps conditionné la création du mobilier tibétain qui devait être léger, fonctionnel, solide et facilement transportable et réparable. Principalement constitué de petits meubles comme des coffres en bois ou en cuir, des tables basses, ce mobilier devait pouvoir être remballé et installé sur des tapis sous des tentes jusqu’au prochain départ vers le pâturage ou l’alpage.

Mais à côté ou en parallèle de cet artisanat nomade, s’est développée une conception plus esthétique du meuble tibétain, celle des monastères et des populations sédentaires permanentes rassemblées le plus souvent dans des communautés spirituelles ou religieuses et vivant dans les vallées tibétaines. La plupart des meubles tibétains décoratifs en bois vendus aujourd’hui s’inspirent de cette tradition plus raffinée et plus esthétisante. Les meubles sont plus imposants et à côté des traditionnels coffres et tables basses, on voit ainsi se développer des armoires buffets à deux ou quatre portes et des meubles plus imposants à usage religieux et des objets cérémoniaux (tingsha, bols chantants, moulins à prière etc :.) qui viennent enrichir et décorer la manufacture du meuble tibétain.

Même si le côté rustique peut persister dans ces meubles décoratifs, ils témoignent cependant d’une culture et de traditions religieuses moins apparentes dans les meubles tibétains des nomades, et cette richesse décorative, ce raffinement racontent aussi, à sa manière l’histoire du meuble tibétain.

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La conception des meubles tibétains : entre fonctionnalité, solidité, et tradition artistique

Deux éléments très importants et presque fondateurs de son identité caractérisent et distinguent à la fois le meuble tibétain. Tout d’abord il y a cette préférence accordée aux bois tendres (cyprès, pin, peuplier, cèdre, etc..) qui sont plus faciles à trouver, à travailler, nécessitent moins d’outils spécifiques et permettent d’élaborer des charpentes et des menuiseries résistantes très rapidement. Même s’ils sont a priori moins résistants en extérieur et dans des milieux humides, une fois enduits et recouverts de différents matériaux, ils deviennent imperméables et résistants aux conditions climatiques. La tradition des nomades, qui s’est imposée presque naturellement (faute de forêts au Tibet) s’est ainsi transmise aux populations sédentaires qui ont continué à en faire la matière première de leurs créations et manufactures plus artistiques tout en magnifiant la décoration des meubles. Dans certaines régions frontalières de la Chine et plus exposées aux influences de la Chine, on peut trouver des meubles en bois dur de conception plus sophistiquée mais cela reste assez minoritaire.

Ensuite, deuxième élément fondateur, la conception rustique et les finitions grossières qui font aujourd’hui tout le charme de ce mobilier et accentuent son caractère authentique. Cette manière de concevoir tire bien entendu son ancrage de la tradition nomade mais elle est aussi l’expression d’un savoir-faire singulier et qui s’est transmis dans la culture de la menuiserie tibétaine. Si la grande majorité des meubles tibétains aujourd’hui ont en effet encore des finitions assez grossières et parfois très apparentes, la structure très solide assemblée par tenons et mortaise garantit une solidité très rassurante qui place en second plan la perfection des finitions. Dans la tradition tibétaine, il est ainsi courant de trouver des pièces de renforcement apparentes, des vis ou des clous non dissimulés car la durabilité et la transmission font aussi partie des valeurs liées à la culture du meuble comme objet.

Ce qui pourrait ressembler à un défaut devient, au contraire, pour les acheteurs en recherche d’authenticité, une preuve époustouflante de sa force et de son originalité.

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Des technique millénaires pour une décoration symbolique haute en couleurs

Si le meuble tibétain n’est pas exemplaire au niveau de ses finitions, il devient vraiment fascinant et représentatif de l’identité tibétaine, au niveau de sa finition picturale. Si ses techniques et ses procédés de fabrication millénaires ont été importés d’Inde, du Népal et de Chine, elles s’inspirent des techniques utilisés pour les Thangka (rouleaux de tissus utilisés pour la méditation bouddhiste tibétaine) et les peintures murales.

Avant d’être décorée, la surface du meuble tibétain est d’abord enduite d’un mélange d’argile, de gomme, de tissu ou de cuir. Sur cette couche qui crée comme une coque sur le meuble en bois tendre, on va ensuite pouvoir appliquer une peinture naturelle et représenter des motifs variés mais facilement reconnaissables : des diagrammes mystiques ou symboliques (mandala ou roue karmique), des divinités du bouddhisme tibétain ou de la religion bön, ou bien encore des personnalités importantes de la hiérarchie monastique tibétaine.

Les couleurs sont aussi assez caractéristiques du meuble tibétain : le vert malachite, le bleu foncé des azurites, le rouge profond du cinabre, l’orange du réalgar, le jaune de l’orpiment, le blanc de la craie et le noir de la suie qui sont des couleurs mères chargées de symboles.

Le vert symbolise la vie et le mérite, le bleu symbolise la sagesse et la tranquillité, le rouge la bravoure et la justice, le jaune la récolte et l’espoir, le blanc la pureté et le bon augure, les autres couleurs comme le noir et le orange créent des effets de contraste.

Ces couleurs plutôt vives et contrastées donnent au meuble une identité ethnique forte en lui permettant d’afficher avec éclat les activités religieuses de la vie quotidienne au Tibet mais elles contribuent aussi à son caractère ethnique et prisé des amateurs de meubles asiatiques.

Une fois le dessin achevé, on parfait la finition par l’application d’une couche de laque traditionnelle qui vient sublimer la décoration du meuble tout en fixant la peinture pour pouvoir conserver durablement le meuble.

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L’influence chinoise et l’introduction de nouveaux motifs récurrents qui témoignent de cette acculturation

Comme nous l’avons évoqué précédemment, certaines régions tibétaines plus exposées à l’influence chinoise, ont fini par assimiler certains motifs d’inspiration chinoise et contribuent aujourd’hui, sans le vouloir, à certains malentendus sur le meuble tibétain.

C’est le cas de certains assemblages géométriques de cercles et de carrés (kedi) remplis de motifs divers aux contours de brocards ou bien des motifs floraux ou végétaux (pivoine, vigne, lotus, etc..) qui s’inspirent bien sûr des porcelaines chinoises.

La tradition tibétaine représente aussi de manière récurrente huit objets précieux qui symbolisent les valeurs du bouddhisme tibétain : la fleur de lotis qui symbolise la pureté et la lumière, la roue du Dharma qui représente l’enseignement bouddhique, le nœud sans fin l’infini et l’indivisible, la conque la promulgation de l’enseignement, la parasol la protection et le statut royal, la paire de poissons la bonne fortune et l’abondance, la bannière victorieuse la victoire de l’enseignement bouddhique, le vase d’abondance.

Ces objets spécifiques peuvent permettre d’identifier facilement l’origine tibétaine d’un meuble mais les tibétains ont fini aussi par intégrer des motifs typiquement chinois qui viennent parfois se mélanger aux autres.

Très souvent, les motifs ont des significations religieuses (religion bön ou bouddhisme). On trouve par exemple des pierres précieuses entourées de flammes qui symbolisent les offrandes, des triples gemmes qui représentent les trois piliers de la société boudhiste (Bouddha, Dharma et Sangha), des disques comportant 4 virgules de 4 couleurs . rouge, jaune, vert et bleu qui représentent les 4 éléments (feu, terre, air et eau).

Mais l’influence chinoise se manifeste aussi dans l’intégration de motifs typiquement chinois comme les huit objets précieux chinois : les lingots d’or, les pièces de monnaie, les cornes de rhinocéros et des animaux plus ou moins mythiques comme le tigre, le léopard des neiges, le dragon, le lion des neiges, le daim, le phénix, le paon et le papillon.

Le meuble tibétain, de par sa richesse picturale et son symbolisme très fort nous transmet sa tradition millénaire de manière éclatante, et l’on comprend aujourd’hui assez aisément pourquoi les acheteurs et les passionnés sont de plus en plus nombreux à vouloir faire l’acquisition de pièces qui sont beaucoup plus que de simples meubles, ils sont les véhicules d’une culture millénaire très inspirante.

 

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